C’est au dernier soupir
de sa mère que l’aînée
prit soin de recueillir
les brins mis à sécher.
Dans un immense chagrin
elle trouva réconfort
dans l’herbier et ses brins
au delà de la mort.
A la fin de son deuil
elle accueillit des gueux,
eux-même pris dans l’écueil,
qu’elle aida de son mieux ;
à l’aide de l’herbier,
les sortit du pétrin,
fit d’eux des obligés
du culte des saints brins.
« Aînée, je suis la fille détentrice des brins, autour de ma tête brille l’auréole des saints. Cet herbier en mes mains vous impose d’être pieux : vous ne pouvez faire moins que d’en faire votre dieu. »
Il apparut bien vite
des dissensions tragiques :
cathodoxes, ortholiques,
siites et chunites,
sépharaz, ashkenades
se battent, luttent, et se trame
un contrôle rétrograde
des corps et de leurs âmes.
La cadette des filles
avait, elle, ramassé
3 grains de ces brindilles
qu’elle se plut à planter.
Dans les jeunes pousses elle vit
sa mère ressusciter
et mûrir les épis
de grains à resemer.
Quelques saisons passèrent ;
elle prit la tête, enfin,
d’une florissante affaire
de production de grains.
Elle faisait du commerce
avec le monde immense,
améliorant sans cesse
techniques et finances.
« Je suis cadette des filles, conservatrice des grains, des plantoirs, des faucilles, des richesses de demain : ces grains de blés en main doivent fructifier au mieux ; vous ne pouvez faire moins pour honorer ce dieu. »
Elle acheta des plaines (et)
détourna des rivières,
irriguant, amendant (ses)
parcelles céréalières.
Hélas, en 2 années
de mauvaises conditions,
la crise en eut raison
et l’affaire fut coulée.
La plus jeune des sœurs
ne voulut rien garder
de sa mère de concret
pour laisser en son cœur
sa pensée bien vivante.
En alpages, elle allait
de sa main caresser
les prairies verdoyantes,
suivre les animaux,
s’y nourrir et jouer,
buvant dans les ruisseaux
l’eau claire et préservée.
A croiser des troupeaux,
elle trouva des bergers
avec qui partager
la douceur de sa peau.
« Jeunette, je ne suis fille que du monde de demain, tout autour de moi brille l’astre dans l’or des foins. Ces herbes dessous nos mains, les étoiles et les cieux sont hors de tout dessein, alors prenons soin d’eux. »
Quand d’autres épuisés
en luttes fratricides,
quand d’autres étaient ruinés
gavés de pesticides,
Une femme plongée dans l’onde
de l’estive, libérée,
prenait grand soin d’un monde
protégé et partagé.
Quand il ne resta rien
qu’estive et pâturages
quand tous furent bien contraints
de fuir là le naufrage,
la fille la plus sage
leur fit un peu de place,
imposant son partage
des temps et des espaces.
Les gueux firent des bergers
soumis à leur milieu,
déjà habitués
à vivre de bien peu ;
S’étant sentis avant
frêles et vulnérables,
ils veillent bêtes et enfants,
et deviennent vénérables.
Les prêtres, les ingénieurs
eurent du mal à quitter
le gâchis effréné,
de leurs vies antérieures.
Ils se plaignent tout le temps
pleurant sur leur misère,
mais ne savent rien faire
dans cet environnement.
Heureusement que leurs mômes
vivant de chaque instant,
prélèvent le minimum
des besoins du moment.
Ces beaux enfants, dans l’onde
de l’herbe à gambader,
se glissant dans un monde
aimé et respecté.